L’Affaire farewell de Christian Carion, octobre 2009

L’Affaire Farewell de Christian Carion, octobre 2009

Farewell, Farewell, qui es-tu ? C'est la question à un effondrement de bloc soviétique près, que se poseront à la fois le KGB et la CIA. Sujet épineux qui ne séduit guère au pays des steppes, ce film y est interdit de projection. Christian Carion signe après Joyeux Noël un autre film historique aux dimensions internationales et au casting multi-langues. Adapté du livre Bonjour Farewell, du journaliste russe passionné Sergueï Kostine, le film vous place sur l'échiquier même où deux fous prennent un Roi...

Pitch

Moscou, 1981. En pleine Guerre Froide, Sergueï Grigoriev, colonel du KGB, déçu du régime de son pays et francophile, décide de faire tomber le système. Il prend contact avec un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les informations extrêmement confidentielles qu’il lui remet ne tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux. Homme sans histoires, Pierre Froment se retrouve alors précipité au coeur de l’une des affaires d’espionnage les plus stupéfiantes du XX e siècle. Une affaire qui le dépasse et qui menace bientôt sa vie et celle de sa famille…

Guillaume Canet et Emir Kusturica. Pathé Distribution

Avis

Encore une histoire de paix en temps de guerre pour Christian Carion. Cette fois-ci, ce n’est plus une histoire d’hommes, mais d’homme à homme, entre les mains desquels les documents qui circulent sont plus efficaces encore que la bombe nucléaire pour maintenir la paix…en temps de guerre. Ce Grigoriev pense même à un monde meilleur, qui naîtrait avec ou sans lui, mais en tout cas jamais sans son travail. Emir Kusturica endosse le rôle de celui qui ment à son entourage, celui qui collectionne les preuves d’installations militaires américaines, de postes d’agents doubles en occident ou encore de l’ensemble des localisations, codes et moyens d’accès des ambassades américaines dans le monde et des systèmes d’armement du sol US. Les Américains sont interloqués lorsque les services français leur annoncent la chose par l’entremise de François Mitterrand, qui s’en sert alors comme bouclier pour faire accepter ses « ministres communistes » au gouvernement, à des libéraux américains qui pensent avoir perdu un allié. Philippe Magnan colle alors remarquablement bien à la situation lorsqu’il doit interpréter François Mitterrand à quelques reprises, avec une force liée à son travail d’actors studio et à la force naturelle de son personnage au sein de L’Affaire Farewell.

Pathé Distribution

Sidérant, en tout cas juste assez pour faire d’un anonyme ingénieur la plus grande source jamais vue…en vie. Méthodes américaines contre méthodes soviétiques et au milieu : la France. C’est l’histoire de l’anodin ressortissant français qui permet aux services américains de combler son retard en matière de contre-espionnage, pour sceller le sort d’un macrocosme soviétique qui devient d’un coup trop grand pour se réorganiser. Farewell c’était bien avant la chute du mur de Berlin, bien avant la chute du bloc communiste, et pourtant…

Guillaume Canet. Pathé Distribution

Guillaume Canet était la personne toute trouvée, pour incarner cet ingénieur qui est confronté malgré lui à un homme qui outre les éléments graves qu’il lui remet à chaque fois, s’éprend de la liberté que Paris et lui représentent. Le parfait anonyme au-dessus de tout soupçon, que les soviétiques ne prennent pas la peine de ficher.

Ingeborga Dapkunaite et Emir Kusturica. Pathé Distribution

Simple porteur ? Simple pion ? Ce Français n’est rien de tout cela, Carion respecte son innocence tout en lui faisant subir les contraintes de la nécessité. Quand l’innocence flirte avec la raison d’état, c’est un peu la possibilité pour le spectateur d’entrer facilement dans ce rôle-titre, voire de s’identifier à ses moindres faits et gestes. Mais le grand à tous les étages est resté cet énigmatique russe, qui malgré la collusion entre ses idéaux et ses possibilités qu’il affiche à ce jeune français, souffrira lui-aussi de solitude et d’ esseulement…mais selon les traits de sa culture à lui. Le double-portrait brossé par Carion est alors dense d’humanité, de camaraderie mais aussi froid de tensions conjugales et de suspicions à déjouer parmi les entourages respectifs des deux hommes.

Emir Kusturica. Pathé Distribution

Malgré toutes leurs différences de mœurs, ils restent les mêmes. Embarqués dans le même bateau, leurs femmes sont toutes deux à deux doigts de les débarquer. Elles les trouvent somme toute habités, pour ne pas dire menteurs. Christian Carion réussit dans tous les registres de son cinéma : le suggestif et le dit sont de forces égales, à un haut niveau en matière de film d’espionnage. Le rythme quant à lui ne répond pas du tout au code du genre dit « anglo-saxon », mais Farewell n’a en même temps rien à voir avec le cinéma du non-réel ni celui de l’artifice. Alors si on ne peut pas tout dire ou tout montrer au cinéma, les producteurs Christophe Rossignon et Philipp Boëffard et le metteur en scène Christian Carion ont agi de concert en un même sens, celui du fil de l’histoire. Le duo avait signé Joyeux Noël qui était plus consensuel, aujourd’hui il s’est condamné à ne pas être projeté en Russie en faisant un simple choix artistique qui n’a rien de politique. Pour la Russie, cela reste l’histoire d’un traître qui a fait disparaître une sensation et une réalité de puissance jamais égalée. Un film rare, donc.

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